L’effondrement annoncé depuis 2011, qui devrait réinitialiser le système financier mondial, ne s’est pas produit. Les adeptes d’une crise de la dette suivie d’une crise des monnaies restent sur leur faim. On assiste actuellement au blues des investisseurs contrariens qui, las d’attendre ce qui paraît inexorable, remettent en question leur raisonnement et perdent confiance.
Inexorable est effectivement le terme adapté, car la crise en question arrivera, c’est une question de temps. La question est plutôt : est-ce qu’elle arrivera de manière soudaine, ou sommes-nous déjà dans un effondrement contrôlé et par conséquent lent ?
Doug Casey, dans son livre « Crisis Investing » écrit en 1980, décrit déjà l’effondrement du dollar US par une crise de la dette. 36 ans plus tard, le dollar existe toujours, il a toutefois perdu énormément de pouvoir d’achat, et la population américaine a, dans l’ensemble, vu son niveau de vie diminuer. Il n’en demeure pas moins que l’exposé de Casey est extrêmement pertinent. Il a réussi à profiter des distorsions créées dans le marché par les banques centrales et les états, pour se positionner dans l’attente d’un retour à un marché libre.
En réalité, la crise est une trame sous-jacente permanente depuis les années 1960, avec des effondrements de marché ponctuels qui sont programmés par les banques centrales. Les taux négatifs actuels sont d’ailleurs, à mon sens, une mesure visant une déflation contrôlée. L’objectif est d’éviter une baisse trop rapide des prix par la stimulation de la consommation au dépens de l’épargne.
Ainsi donc, nous avons deux niveaux de lecture : la crise sur le temps long, et les effondrements ponctuels. Quelle sera la réaction de la banque centrale américaine à une chute des indices boursiers cotés en dollar US ? Il y a actuellement deux forces internes qui s’opposent :
- Les fonds de pension et systèmes sociaux de l’état ont besoin d’un rendement plus élevé pour maintenir leur plan de paiement de rentes, il faut donc une augmentation des taux d’intérêt sur la dette d’état ;
- L’état qui emprunte sur les marchés obligataires afin de payer les intérêts de la dette déjà existante, il faut donc que les taux des emprunts d’état restent bas.
Il s’agit d’un dilemme. Comme il est impossible à résoudre, je propose le scénario suivant : l’important pour la banque centrale américaine est de garder une cohérence dans la continuité du récit déjà prodigué. Toutes les décisions prises le seront sur la base d’éléments ou d’événements constituant une raison d’intervenir. Ainsi, promesse ayant été faite durant toute l’année 2015, nous assisterons à un nouveau (ou plusieurs) ré-haussement du taux directeur. Suivra une réaction des marchés action à la baisse (au moins 20% depuis les plus hauts) à laquelle la banque centrale réagira par un abaissement drastique du taux d’intérêt (probablement négatif) ainsi qu’un nouveau programme d’injection de devise.
Toutefois, durant la phase d’augmentation du taux directeur, nous assisterons à une appréciation du dollar US, ainsi qu’une augmentation du prix des marchés action et obligation cotés en dollar. Les capitaux institutionnels vont se déplacer en direction des USA pour chercher du rendement. Il faut se méfier des appels à l’effondrement boursier avant la rentrée 2016, voire même avant l’élection présidentielle.
Après la reprise des injections massives de liquidité, nous pourrons alors assister à une perte de confiance envers la banque centrale. Si cela se produit, alors seulement nous assisterons à une perte massive et rapide de la valeur du dollar US, et par conséquent de toutes les devises reliées à celui-ci par leurs réserves, soit la quasi-totalité des pays du monde. La suite sera l’émergence d’une institution mondiale qui se profilera comme remplaçant de la monnaie de réserve dollar. Certains parlent du fonds monétaire international avec ses droits de tirage spéciaux.
La réalisation des phases de ce scénario ne peut pas se produire en quelques semaines, par contre l’accélération des événements, catalysée par une crise similaire aux attentats de New-York en 2001, peut se produire à tout moment. L’élection de Donald Trump à la présidence américaine ne manquerait pas de faire vaciller le monde financier, l’homme étant imprévisible.
L’investisseur défensif, qui a identifié depuis longtemps que le système financier est instable, s’est positionné trop tôt pour un effondrement. C’est le propre des visionnaires, qui sont régulièrement ridiculisés ou qualifiés de fous. Nonobstant, l’histoire nous montre que ce qu’ils annoncent finit par se produire. Il s’agit donc de garder le cap et patienter, tout en prenant du recul et en excluant pas les opportunités d’investissement qui se présentent, que ce soit à but de rendement ou spéculatif. Si nous attendons que la crise soit passée pour agir, j’ai bien peur que l’occasion ne se présentera jamais !